samedi 31 janvier 2015

Prends la main que je te tends...

Surtout ne pas laisser la mèche de cheveux retomber sur ses yeux. C'est négligé. Elle veut faire bonne impression.

Dix ans de célibat. Enfin presque. Quelques fin de soirées agitées. Un peu trop alcoolisées. Quelques mots susurrés à son oreille. Un souffle sur sa nuque. L'odeur d'un homme. Elle avait accepté.
Au matin, elle disparaissait...

Rien de concret. Pourtant c'était pas faute de concrétiser!

Manque de temps, se donnait-elle comme excuse.

 Avec son divorce et le départ du père de ses quatre enfants à des milliers de kilomètres, ses patients, son engagement dans différentes associations, sa grand-mère malade, sa soeur dépressive, les courses, les devoirs...elle était la tête dans le sac. A peine le temps de déjeuner avec ses trois super copines. Pleines de sagesse et de bonnes idées irréalisables : " mais pourquoi tu t'inscris pas sur un club de rencontre?" "C'est ça pour me choper tous les tarés de la ville. Je vous rappelle que je suis psy et je sais qu'un beau physique peut cacher une noirceur d'âme"
De savoir ça, ne l 'avait pas empêché d'épouser son taré d'ex-mari. Grand, blond, athlétique, de beaux yeux verts assoiffés tellement assoiffés qu'il en était insatiable. Il brûlait la vie par tous les bouts. Le jour où il a doublé une voiture dans un virage à plus de 100km avec elle et les enfants, elle avait su qu'elle devait les protéger. Alors, elle avait demandé le divorce et la garde exclusive. Accordés.

La temps filait, elle s'en rendait bien compte

Le plus dur c'était la nuit. Quand elle se réveillait en panique après ce cauchemar récurrent. Elle aurait tant besoin d'un torse pour écouter les cognements rassurants d'un cœur qui ne battrait que pour elle. Des bras forts et aimants. Mais non, elle n'avait que la froideur d'une place vide à ses côtés.

Parfois, elle acceptait que ses quatre enfants dorment avec elle. Ils étaient à l'étroit dans son King size bed mais c'était si chaud et si doux. Ils remuaient tous tellement qu'elle finissait pas squatter le canapé de sa chambre. Surtout ne pas quitter ce cocon où la respiration bruyante de ses enfants était comme la douce musique d'un mobile suspendu au-dessus d'un berceau.

Et puis, il y eu cette annonce d'un chien perdu. Placardé dans tout son quartier, même dans son cabinet. Elle ressentait la détresse du propriétaire. Le chien, un bouledogue français avait une tête sympa en dépit de ses yeux tombants et de ses dents en avant. Elle s'était fait la réflexion : "pourvu que ce ne soit pas comme dans les Aristochats, tel maître, tel chien". Elle avait ri de bon coeur.

Le hasard faisant bien les choses - mais le hasard existe-t-il vraiment ou est-ce juste une main que l'on nous tend et que nous devons saisir? - elle surprit le Sacripan - c'est le nom du chien - en train d'envoyer une monumentale giclée sur les beaux rhododendrons de son jardin.

Et voilà comment elle se retrouvait aujourd'hui à la terrasse d'un café en attendant, Valentin, le propriétaire de Sacripan.

Elle entendit aboyer. Pas le temps de se lever, que le bouledogue français saute sur ses genoux. Enfin, une partie seulement. Trop lourd, ses pattes arrières moulinées désespérément dans le vide. Prise de compassion -et aussi de tendresse - elle posa sa main sur les fesses du chien pour l'aider à monter. Pour la remercier, le Sacripan lâche un gros pet. Ce ne fut pas tant le bruit qui la dérangea mais l'odeur atroce.

Valentin la regarda. Visiblement il retenait un fou rire. Visiblement, elle aussi.

"Sacripan connait toutes les règles de bonne conduite, à ce que je vois! C'est vous qui l'avez éduqué?"

"Je vous promets de ne pas vous sauter sur les genoux"

"Tant que vous ne vous soulagez pas sur moi..."

Et tous deux se laissèrent aller à ce fou rire qu'il retenait pendant que Sacripan, ivre de joie, engouffrait goulûment la tarte aux framboises d'Ana...

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